Conjointement avec le Congrès du travail du Canada, l’AFPC demande à ses membres de communiquer avec leur député à propos du projet de loi C-377. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑377 est le plus coûteux et le plus discriminatoire parmi tous ceux auxquels le mouvement syndical a été confronté au Canada d’aussi loin qu’on se souvienne. C’est manifestement une attaque contre le droit d’association, le droit à la vie privée et la liberté de parole.
Nous demandons à tous les membres de communiquer avec leur député‑e – en particulier s’il est conservateur – et de lui faire connaître leur opposition au projet de loi C‑377.
Ce projet de loi est une des facettes de l’attaque du gouvernement Harper contre toutes les organisations ou les personnes qui s’opposent à son programme. Le tristement célèbre projet de loi omnibus, qui s’en prend à la sécurité de la vieillesse, à l’assurance-emploi, à la surveillance du SCRS, à la salubrité des aliments, à la protection de l’habitat du poisson, à la réglementation environnementale, aux fonctionnaires et aux organismes de bienfaisance enregistrés, est un des piliers de cette attaque.
Le projet de loi C‑377 est un projet de loi émanant d’un député parrainé par Russ Hiebert, (conservateur, Surrey-Sud–White Rock–Cloverdale) qui vise à museler encore davantage une des voix qui s’élèvent le plus haut pour défendre les intérêts des Canadiennes et des Canadiens, les syndicats.
Harper se cache de nouveau derrière un projet de loi émanant d’un député, comme il l’a fait lorsqu’il a détruit le registre des armes d’épaule, pour éviter de devoir assumer la responsabilité de son propre programme.
Ce projet de loi ne cible que les organisations syndicales : il ne s’applique pas à d’autres organisations professionnelles qui recueillent des droits admissibles à un allégement fiscal, comme la Société canadienne des relations publiques, l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières ou l’Association canadienne de gestion des achats.
Ce projet de loi est appuyé par des groupes antisyndicaux, comme l’Institut Fraser, les Merit Shop Contractors, l’Association LabourWatch, la National Citizens Coalition et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, parce qu’ils veulent affaiblir les syndicats au Canada et que l’adoption de ce projet les y aidera.
Ce projet de loi exigera que toutes les organisations ouvrières ou fiducies de syndicat (régime de retraite, fonds d’entraide, fonds de formation et fonds de santé et de bien-être) présentent à l’Agence du revenu du Canada (ARC) une déclaration publique de renseignements dans les six mois suivant la fin de leur exercice. L’organisation syndicale ou la fiducie de syndicat qui ne satisfait pas à cette exigence « commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende de 1 000 $ pour chacun des jours où elle omet de se conformer à cet article ».
Cette déclaration demandera des états financiers détaillés, et 29 annexes, entre autres, mais non uniquement :
- le bilan;
- les revenus et les dépenses;
- le nom et l’adresse du payeur et du bénéficiaire pour toutes les transactions de plus de 5 000,00 $;
- les comptes débiteurs;
- les prêts en cours;
- la description, le coût, la valeur comptable et le prix de vente de tous les investissements vendus ou achetés;
- les comptes créditeurs;
- les emprunts;
- les versements effectués au bénéfice des cadres, des administrateurs, des fiduciaires, des employés et des entrepreneurs;
- les sommes déboursées pour les activités de relations de travail;
- les sommes déboursées pour les activités politiques;
- les sommes déboursées pour les activités de lobbying;
- les contributions, les dons et les subventions; les sommes déboursées pour l’administration;
- les sommes déboursées pour les paiements des coûts indirects;
- les sommes déboursées pour l’organisation d’activités;
- les sommes déboursées pour les activités de négociation collective;
- les sommes déboursées pour les activités liées à des conférences et à des assemblées;
- les sommes déboursées pour les activités d’information et de formation;
- les débours judiciaires.
Toute cette information sera affichée sur le site Web de l’ARC « dans un format permettant la recherche par mot et les renvois croisés entre les données ».
Les conservateurs sont au mieux hypocrites en ce qui concerne ce projet de loi et les coûts qui y sont associés et, au pire, ils mentent carrément.
Ce projet, s’il devient loi, n’augmentera pas la transparence des syndicats ni la reddition de comptes à leurs membres; il rendra simplement de l’information financière détaillée accessible à ceux qui se vouent à la destruction des syndicats.
Les syndicats ne sont pas régis par la Loi de l’impôt sur le revenu, la plupart relèvent de la compétence des provinces. Les conservateurs essaient de se servir de la Loi de l’impôt sur le revenu pour réglementer quelque chose qui ne fait pas partie des compétences du gouvernement fédéral.
Les conservateurs font des comparaisons avec la façon dont le gouvernement fédéral régit les organismes de bienfaisance et disent qu’ils veulent simplement le même niveau d’administration pour les syndicats.
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Organismes de bienfaisance enregistrés1 |
Organisations syndicales qui pourraient être touchées par le projet de loi C‑377 |
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Nombre |
85 000 |
25 0002 |
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Allégement fiscal |
Près de 2,4 milliards de dollars en raison des dons |
400 millions à 500 millions de dollars3 |
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Nombre de personnes que l’ARC emploie pour surveiller ces organisations |
270 à la Direction des organismes de bienfaisance et 40 dans les bureaux des services fiscaux qui effectuent les vérifications |
Inconnu |
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Budget |
23 millions de dollars |
Inconnu, cependant « n’entraînera aucune dépense majeure pour l’État4 » ou « des dizaines, voire des centaines, de millions de dollars5 » |
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Nombre d’organisations qui ne produisent pas leur déclaration une année donnée |
33 000 (2008) |
Inconnu |
- Les chiffres concernant les organismes de bienfaisance enregistrés sont tirés du rapport de 2010 du Bureau du vérificateur général du Canada sur les organismes de bienfaisance enregistrés et l’Agence du revenu du Canada, et s’appliquent pour 2009, sauf indication contraire.
- Cette estimation provient du Congrès du travail du Canada.
- Cette estimation est tirée du discours de Russ Hiebert à la Chambre des communes, 6 février 2012.
- Ce commentaire est tiré du discours de Russ Hiebert à la Chambre des communes, 6 février 2012.
- Ce commentaire est tiré du discours de Joe Comartin (Windsor-Tecumseh, NPD) à la Chambre des communes, 6 février 2012.
Un coup d’œil même rapide au formulaire T3010-1, la déclaration annuelle que les organismes de bienfaisance enregistrés doivent présenter à l’ARC, montre que ceux‑ci n’ont pas droit à un examen aussi minutieux que celui qui sera le lot des syndicats si ce projet de loi est adopté. On ne peut pas à l’heure actuelle savoir combien de temps ni quel niveau d’effort les organisations syndicales devront consacrer à ce formulaire, mais ce sera important.
Des avocats considèrent aussi ce projet de loi comme une attaque directe contre le secret professionnel de l’avocat; de plus, ce projet de loi « coûteux et discriminatoire » ne respecte pas la vie privée de quiconque travaille pour un syndicat, selon la International Union of Operating Engineers :
tous les renseignements sur ce que facturent les entreprises ou les professionnels qui font affaire avec un syndicat et sur leurs contrats seront divulgués au public, et donc à leurs concurrents. Ce sera mauvais pour les affaires d’avoir des contrats avec les bureaux des syndicats. Les contrats négociés par des entreprises comme celles qui fournissent des photocopieurs et les sociétés de télécommunications et de fournitures de bureau seraient diffusés dans le public pour que leurs concurrents les voient.
En résumé, pour citer le discours que Joe Comartin (Windsor-Tecumseh, NPD) a fait le 6 février 2012 en réponse à ce projet de loi :
[i]l s’agit d’une attaque en règle contre le mouvement syndical au pays. Il s’agit aussi manifestement d’une attaque indirecte contre un certain nombre d’autres droits que possèdent les citoyens et résidants canadiens, à savoir : le droit d’association; le droit, bien franchement, à la vie privée; et le droit à la liberté d’expression, qui s’inscrit dans le cadre du droit d’association. Le projet de loi porte atteinte à tous ces droits et, dans certains cas, je dirais même qu’il les bafoue complètement.
Il est totalement faux de prétendre à la Chambre comme vient de le faire le député de Surrey-Sud–White Rock–Cloverdale, que tout cela ne concerne que la reddition de comptes et la transparence et que l’idéologie n’y est pour rien.
Penchons-nous un instant sur le contexte de ce projet de loi. Les républicains de Bush ont fait la même chose aux États-Unis. Cependant, ils n’ont pas osé aller aussi loin que ce qui est proposé dans cette mesure législative. J’ai deux citations portant sur l’idéologie, la stratégie et la tactique qui sous-tendent cette proposition. La première est de Newt Gingrich, un des chefs de file de la droite idéologique américaine. Il a déclaré que la divulgation obligatoire de renseignements détaillés sur les activités syndicales militantes permettrait « d’affaiblir nos adversaires et d’encourager nos alliés ».
Un autre tenant de la droite américaine, Grover Norquist, a déclaré ce qui suit : Chaque dollar dépensé [par les syndicats] pour des activités de divulgation et de reddition de comptes est un dollar qui ne peut pas être dépensé pour d’autres activités syndicales.
Ce concept découle d’un point de vue idéologique et, dans le cas du Canada, il est prôné par les grandes sociétés et les multinationales. C’est le même groupe qui appuie le projet de loi et qui souhaite le voir adopté. Cela n’a rien à voir avec la reddition de comptes et la transparence. Selon moi, il est évident que le gouvernement fait preuve d’une très grande hypocrisie à cet égard. Il s’agit d’une attaque contre le mouvement syndical au pays.
D’une façon ou d’une autre, le projet de loi permettra au député d’arriver à ses fins, soit de donner à ses « alliés », comme le dit Newt Gingrich, des renseignements pour combattre leurs ennemis.
Robert Webster,
Membre de la Section locale Ottawa-Centre
le 9 juin 2012