Nous avons entendu beaucoup de spéculations ou de fuites du CPM au cours des derniers jours, selon lesquelles le projet de loi omnibus du gouvernement Harper prévoit des clauses visant à réduire les contributions patronales que le gouvernement verse dans les plans de retraite des employés de la fonction publique. Si ces clauses devaient être adoptées, cela signifierait que le gouvernement s’est laissé gagner par la rumeur colportée par les détracteurs des pensions des fonctionnaires comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, l’Institution C.D. Howe, entre autres, qui veut que le gouvernement paie 60 % des coûts des pensions des fonctionnaires et que cela représente un lourd fardeau pour le contribuable.
La perception selon laquelle le gouvernement paie 60 % des pensions des fonctionnaires est répandue, MAIS ERRONÉE. Le gouvernement ne paie en effet qu’environ 15 % des coûts de pension des fonctionnaires!
Ce que les détracteurs semblent négliger est le fait qu’environ 75 % des coûts des pensions des fonctionnaires sont couverts par le revenu des placements et la croissance. La responsabilité à hauteur de 60 % du gouvernement ne s’applique qu’à 25 % des coûts qui sont couverts par les cotisations patronales et salariales. Ainsi, 60 % de 25 % se traduit pour le gouvernement par une responsabilité de 15 % dans le financement des pensions des fonctionnaires.
Ceci ne tend pas à suggérer que les cotisations patronales et salariales du gouvernement sont négligeables. Elles sont extrêmement importantes. Leur importance toutefois, a bien plus à voir avec le QUAND elles sont appliquées qu’avec leur taille.
Les cotisations de pension de la fonction publique génèrent des revenus de placement et de la croissance pendant toute la durée de vie et les années de retraite de chaque fonctionnaire – une période pouvant atteindre 50 ans ou davantage. Ce qui signifie que chaque dollar cotisé pourrait, au cours d’une période de 50 ans, atteindre une valeur d’environ 7 $ si son rendement et sa croissance correspondent à un taux composé de 4 % par an, et environ 18 $ si la croissance correspond à un taux composé de 6 % par an.
Est‑ce que l’ampleur de ces chiffres vous rappelle quelque chose? Elle le devrait, étant donné sa ressemblance manifeste avec des exemples cités par les banques et autres institutions financières lorsqu’elles disent aux Canadiennes et aux Canadiens que le secret pour l’atteinte d’un revenu approprié au moment de la retraite consiste à commencer à économiser le plus tôt possible, et à continuer de le faire de façon régulière. C’est précisément ce que la fonction publique s’efforce de faire depuis 1927. Peut-être qu’un jour les organisations comme l’Institut C.D. Howe citeront la fonction publique comme un modèle que les autres devraient suivre.
L’autre grande question nécessitant votre attention est la relation inhérente entre les marchés financiers et le programme de pension de la fonction publique.
Nous savons tous que les marchés financiers sont sujets à des hauts et des bas cycliques. Il ne devrait donc pas être surprenant de constater qu’à l’occasion, les programmes de la fonction publique amorcent des périodes difficiles lorsque les marchés ralentissent. Ce qui est surprenant, néanmoins, c’est de voir et d’entendre des organisations comme l’Institut C.D. Howe sonner l’alarme à propos des finances de la fonction publique pendant les périodes de ralentissement des marchés financiers, et ensuite jouer les alarmistes et réclamer haut et fort que des mesures soient prises pour régler la situation.
Si les détracteurs pouvaient laisser de côté leur parti pris idéologique, ils ne tarderaient pas à conclure que le gouvernement devrait changer sa ligne de conduite lorsque les marchés sont à la hausse, et non pas lorsqu’ils ralentissent.
Compte tenu de la nature temporaire et cyclique des hauts et des bas du marché financier, il serait prudent que le gouvernement évite de dilapider les excédents temporaires qui n’ont rien à voir avec les pensions lorsque les marchés sont à la hausse. Dans une telle situation, il serait plus logique que le gouvernement conserve ses excédents temporaires et les garde en réserve pour les jours de pluie afin de lutter contre les retombées des marchés lorsque ceux‑ci amorcent la phase de repli de leur cycle. Si une telle approche fondée sur le bon sens devait être adoptée, elle permettrait d’isoler littéralement les programmes de la fonction publique des aléas découlant des cycles d’expansion et de ralentissement des marchés.
Plus précisément, comment un observateur à l’esprit ouvert pourrait‑il percevoir les mesures prises par les gouvernements au cours des quelque 20 dernières années lorsque ces derniers se sont octroyés plus de 30 G$ des actifs du programme de pensions? Quelles ont été les retombées de ces mesures sur les bilans de 2012 du programme de pensions de la fonction publique?
Il importe tout autant d’établir combien de milliards supplémentaires en revenus de placement et de croissance ont été perdus au cours des quelque 20 dernières années après que les gouvernements successifs aient retiré plus de 30 G$ du programme pendant leurs croisades pour la réduction du déficit?
Toutes ces réflexions reviennent à poser les questions fondamentales suivantes : qui doit être tenu pour responsable des conséquences découlant de décisions arbitraires, trop rapides et limitées et de mesures prises pendant la gestion du programme de pension de la fonction publique au cours des quelque 20 dernières années? Dans quelle mesure les gouvernements successifs se sont montrés justes et équitables en se délestant de ces responsabilités de tuteur du programme de pensions de la fonction publique? Et comment est‑ce que le comportement des gouvernements à compter de la fin des années 80 peuvent-ils être mesurés par rapport aux normes prescrites par la loi à l’intention des tuteurs du plan de pension et des administrateurs en dehors de la fonction publique?
Walter Kelm
Septembre 2012
Walter Kelm a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en 1990. Ses 36 années de carrière ont été marquées par des fonctions aux postes de directeur de la planification et du développement pour le Régime de pensions du Canada, et de directeur des pensions et avantages sociaux pour le Conseil du Trésor du Canada.