Avec son nouveau budget, le gouvernement fédéral a raté une autre occasion de voir aux intérêts de la population canadienne. Encore une fois, il fait preuve d’un manque de vision, coupe d’autres services publics et s’en prend aux fonctionnaires et aux retraités fédéraux.
Portrait macro-économique
Le gouvernement est tellement obsédé par son désir de réduire le déficit qu’il sacrifie la création d’emplois et une véritable croissance économique. Il claironne que le déficit atteindra 27 % du PIB en 2017, le plus faible taux parmi tous les pays du G-20, malgré le fait que la dette du Canada, à 33 %, est déjà très basse comparativement au PIB et selon les normes internationales.
En janvier 2014, plus de 1,3 million de Canadiens et Canadiennes étaient officiellement sans emploi, pour un taux de chômage de 7 %. Par ailleurs, 400 000 personnes ont quitté le marché du travail. Le taux de chômage chez les jeunes frôle les 14 %. On compte de plus en plus d’emplois à temps partiel, temporaires et précaires.
En même temps, la croissance du PIB réel du Canada depuis la dernière crise économique est au plus bas en 30 ans. En 70 ans, l’écart entre la taille de l’appareil gouvernemental et celle de l’économie n’a jamais été aussi grand. Entre 1983 et 2010, la population canadienne a fait un bond de presque 34 %, passant de 25,4 millions à 34 millions. Or, pendant cette période, le nombre de fonctionnaires a augmenté de seulement 12,7 %. Le PIB réel a presque doublé depuis 1983, mais les dépenses au titre des programmes fédéraux n’ont augmenté que de 60,9 %. La part des dépenses de programmes dans le PIB a chuté au-dessous du seuil de 13 %, ce qui signifie que le gouvernement investit de moins en moins pour répondre aux besoins d’une économie en croissance.
Encore des réductions d’emplois et de services publics
Le budget de 2014 fait état de compressions déjà annoncées dans de précédents budgets et confirme que le gel des dépenses de fonctionnement continuera pendant encore deux ans. Ainsi, on réduira de 1,6 milliard de dollars les dépenses des ministères, pourtant déjà durement touchés par des années de compressions dans leurs effectifs, leurs programmes et leurs services. En 2014 seulement, des réductions précédemment annoncées totalisant 14 milliards de dollars seront pratiquées dans les budgets des programmes fédéraux. Selon le Centre canadien de politiques alternatives, ces réductions porteront à 26 000 le nombre de postes à temps plein perdus au gouvernement fédéral depuis 2012. Ainsi, il y a de moins en moins de fonctionnaires pour offrir à la population les services dont elle a besoin.
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Le gouvernement a fermé neuf bureaux d’Anciens Combattants, malgré les demandes répétées des vétérans. Il ne propose aucune mesure pour pallier la pénurie de personnel de première ligne qui leur offrait les services personnalisés dont ils ont besoin. Au lieu de cela, il consacrera 2,1 millions de dollars à des outils en ligne, que les anciens combattants jugent inadaptés à leurs besoins.
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En matière de salubrité alimentaire, les mesures que préconise le gouvernement ne tiennent pas la route. Depuis 2012, il a aboli 308 postes d’inspection des aliments ou de soutien à cette tâche. Aujourd’hui, il annonce la création de 200 nouveaux postes. Le Syndicat de l’Agriculture, un Élément de l’AFPC, précise toutefois qu’il ne s’agira pas d’inspecteurs de première ligne mais plutôt d’équipes de vérification. Le syndicat reconnaît l’importance de ce rôle, mais l’embauche de vérificateurs ne compensera pas la perte d’inspecteurs.
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Malgré les avertissements d’experts canadiens, le gouvernement a fermé les stations de recherche et de sauvetage de Kitsilano, en C.B., et de St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador. Il accorde maintenant un crédit d’impôt aux sauveteurs bénévoles, comme ceux de la Garde côtière auxiliaire. Ces bénévoles font un travail essentiel, mais ils savent qu’ils ne peuvent pas remplacer des professionnels qualifiés ni compenser la fermeture des stations.
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Après avoir réduit les services de Parcs Canada, l’accès aux parcs nationaux et les mesures de protection de l’environnement, le gouvernement n’investit maintenant que 391 millions de dollars dans l’infrastructure : routes, ponts et voies navigables (1 million en 2014-2015; 4 millions en 2015-2016; et le reste à compter de 2016). Le canal Rideau, la voie navigable Trent-Severn et le canal Lachine sont dans un bien piètre état. À lui seul, le canal Rideau nécessitera un investissement de 104 millions de dollars en travaux de réfection. Les collectivités des voies navigables continuent d’être à risque depuis que le gouvernement a aboli des postes de travailleurs des canaux chargés de la gestion des eaux. Pourtant, le budget est muet à cet égard.
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Le gouvernement n’a rien prévu dans son budget pour protéger la nature dans les parcs nationaux. Pourtant, le Commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada a révélé dernièrement que 43 % des écosystèmes des parcs nationaux sont en déclin. Le commissaire a estimé que les récentes compressions budgétaires à Parcs Canada ont grandement réduit la capacité de cette agence de remplir son mandat consistant à maintenir et à restaurer l’intégrité écologique de nos parcs nationaux.
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Au lieu d’améliorer l’accès à l’assurance-emploi, le gouvernement a opté pour des petites améliorations qui n’auront aucun effet mesurable sur le niveau de vie des Canadiens et Canadiennes. Il a maintenu sa position en matière d’assurance-emploi : l’accès aux prestations est toujours aussi difficile pour les chômeurs, surtout les travailleurs saisonniers. Pourtant, cette situation nuit grandement à l’économie de nombreuses collectivités du pays. Depuis que les services ont été coupés, le traitement des demandes de prestations et l’émission des chèques prennent beaucoup plus de temps. Pourtant, il n’y a rien dans le budget à ce sujet. Ce sont les chômeurs et les femmes en congé de maternité qui écopent.
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Le gouvernement a annoncé qu’il déposera au besoin des mesures législatives pour « éliminer les organisations redondantes et regrouper des opérations comme les services administratifs ainsi que les services de soutien ». On ne sait pas toutefois quelles organisations ou quels services il jugera « redondants » ni comment des secteurs du gouvernement pourraient fonctionner sans services d’administration et de soutien.
Retraités fédéraux, vétérans et membres des Forces canadiennes : le gouvernement manque à sa parole
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Le budget reprend le message que martèle le gouvernement : il est « déterminé à faire en sorte que la rémunération globale des employés de la fonction publique soit raisonnable et abordable, et qu’elle corresponde à celle offerte par d’autres employeurs des secteurs public et privé ». Loin d’essayer d’augmenter le niveau de vie des Canadiennes et des Canadiens, le gouvernement favorise plutôt un nivellement pas le bas, creusant encore davantage les écarts de revenus au pays.
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Dans son budget, le gouvernement double arbitrairement les contributions des retraités fédéraux, des vétérans et des membres des Forces canadiennes au Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP). De 261 $, ces contributions grimperont à 550 $ par année pour une personne et encore davantage pour une famille. Cette augmentation est énorme compte tenu du fait que le retraité fédéral moyen touche environ 27 000 $ par année. La pension des survivants s’élève en moyenne à la moitié de cette somme. Le budget prévoit aussi faire passer de deux à six le nombre d’années de service requis pour être admissible à ce Régime au moment de la retraite. Puisque de telles conditions obligeront sans doute certaines personnes à se retirer du Régime, plusieurs seront privés d’une importante garantie supplémentaire pour les soins de santé.
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Le RSSFP fait partie de la rémunération promise après plusieurs années de service. Les contributions et l’admissibilité au Régime font depuis longtemps l’objet de négociation au sein du Conseil national mixte entre le Conseil du Trésor, les agents négociateurs et l’Association nationale des retraités fédéraux. Il est clair que le Conseil du Trésor fait fi de la consultation véritable et des solutions négociées.
Les fonctionnaires fédéraux : des boucs émissaires
Selon le budget de 2014, l’objectif du gouvernement au cours des prochaines négociations sera de « veiller à ce que la fonction publique soit abordable, moderne et très performante ». Il préconise de « légères modifications législatives afin d’apporter des précisions relatives aux changements récents au régime des relations de travail ». Assez inquiétant, compte tenu du récent projet de loi d’exécution du budget qui fausse le jeu en faveur de l’employeur.
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Le gouvernement prévoit négocier des ententes sur la rémunération globale dans la fonction publique « qui soient équitables et raisonnables pour les employés et pour les contribuables ». Compte tenu du gel des dépenses de fonctionnement, les salaires et les avantages sociaux de nos membres seront sans doute sous attaque.
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Le budget prévoit aussi la « mise en place d’un système moderne de gestion des congés d’invalidité et de maladie, et notamment l’instauration d’un régime officiel d’assurance-invalidité de courte durée ». Autrement dit, le gouvernement limitera l’accès au remplacement du salaire pour les fonctionnaires malades. Dans les milieux de travail où on a adopté un régime d’assurance-invalidité de courte durée, les employés ont difficilement accès aux congés de maladie et aux prestations d’invalidité. En outre, ces avantages sont sujets aux décisions arbitraires d’un assureur privé.
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Le budget révèle aussi que le gouvernement exercera plus de pressions sur les sociétés d’État pour qu’elles prennent les mesures suivantes : instaurer le partage à parts égales des contributions au régime de pension; hausser à 65 ans l’âge de retraite des nouveaux employés; et augmenter l’âge d’admissibilité aux autres prestations de pension. Cela mine l’autonomie des sociétés d’État puisque le gouvernement s’ingère dans les négociations avec leur personnel.
La démocratie, les jeunes travailleuses et travailleurs, les garderies, les femmes sont les grands perdants
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Le budget prévoit une consultation publique pour déterminer si les organismes sans but lucratif abusent de l’exonération d’impôt qui leur est accordée. Les organismes de bienfaisance connaissent déjà les effets de ces « consultations » : plusieurs grands groupes environnementaux, centres de réflexion et organismes de justice sociale et de développement international qui ont osé dénoncer les politiques gouvernementales se sont retrouvés dans la mire des vérificateurs. Cette mesure, qui mine les fondements mêmes de la démocratie, s’ajoute aux autres tentatives du gouvernement actuel de mater ses opposants en coupant les vivres à de nombreuses ONG, en adoptant des lois antisyndicales, en bâillonnant les scientifiques et en compromettant la capacité qu’a Statistique Canada de fournir des données essentielles aux décideurs.
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Le gouvernement a beaucoup parlé des jeunes travailleuses et travailleurs dans les semaines menant au budget. Même si 14 % des jeunes sont sans emploi au pays, le budget ne prévoit aucune mesure de redressement digne de ce nom. En effet, les conservateurs n’ont rien trouvé de mieux que de financer 3 500 postes d’apprenti, ce qui aidera à peine 1 % des 384 000 jeunes de 20 à 29 ans qui étaient sans travail en janvier dernier. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a souligné que le gouvernement ne fait rien pour alléger la dette étudiante de 15 milliards de dollars qui casse les reins des familles canadiennes, malgré une inquiétude généralisée quant au coût de plus en plus élevé des études postsecondaires.
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Une fois de plus, le gouvernement a reculé devant la création d’un programme national de services de garde et d’apprentissage, même si on sait qu’ils sont plus que viables. Il a ressorti la bonne vieille Prestation universelle pour la garde d’enfants d’un maximum de 1 200 $ — une somme dérisoire quand on sait combien coûte l’éducation d’un enfant. Il y a un manque criant de places en garderie et ce n’est pas cette prestation qui aidera.
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L’égalité des sexes semble être le cadet des soucis du gouvernement. Au lieu d’offrir à Condition féminine Canada les fonds qui lui permettraient de subventionner des organismes militants de défense des femmes – 100 millions de dollars par année, selon le CCPA – le gouvernement ne prévoit dans son budget qu’un financement symbolique de 150 000 $ pour élargir les programmes de mentorat pour les entrepreneures.
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Le gouvernement se vante de lutter contre la violence que subissent les filles et les femmes autochtones en appuyant les travaux du Comité parlementaire spécial sur la violence faite aux femmes autochtones. Et pourquoi ne le ferait-il pas? À compter de 2015-2016, 25 millions de dollars sur cinq ans seront consacrés au dossier. Cependant, le gouvernement ne répond pas à l’appel de l’Association des femmes autochtones du Canada, qui demande une commission d’enquête fédérale sur la disparition et le meurtre de filles et de femmes autochtones. L’Association a déjà confirmé 582 cas et prévient que d’autres femmes périront en l’absence de mesures plus musclées.